par Philippe GOUIN-LISSANDRE et Christine GOUIN-VOGT
article paru dans
IKONA n°24, 2015, pp.6-7
IKONA n°24, 2015, pp.6-7
L'ethnoarchéologie de la Crète
La Crète était, jusqu'à ces dernières décennies, l'un de ces lieux où se sont conservées les survivances techniques qui guident l'archéologue dans ses interprétations des témoins du passé. En effet, cette grande île, longtemps isolée du progrès européen du fait de son appartenance contre nature à l'Empire Ottoman, était encore il y a quelques années un terrain de recherches privilégié pour l'ethno-archéologue car certaines techniques s'y étaient conservées, parfois depuis des millénaires. C'est pour cette raison, et pour quelques autres, que les auteurs y réalisèrent de longues missions d'étude des vestiges archéologiques découverts dans les fouilles de la ville antique d'Eleftherna (ou Eleutherna) en Crète centrale et, parallèlement, des activités villageoises traditionnelles liées à l'alimentation. Ces missions se succédèrent quatre années, de 1992 à 1996, en partenariat avec le CNRS, le fonds hellénique de la recherche et les Archéologues de l'Université de Crète à Réthymnon.
Le village de Margaritès
Fig. 1 et 2 - Deux types de grands pithoi traditionnels de Margaritès
(dessin et photo Ph. Gouin)
Les grands pithoi de stockage
Ces monstres céramiques étaient autrefois indispensables aux paysans crétois. En effet, limitée par l'exiguïté des terres cultivables, la production des villages n'allait guère au-delà de ce qui était nécessaire à leurs besoins annuels et, à défaut d'argent frais, ils n'importaient rien de l'extérieur. Afin de subsister durant les saisons improductives, chaque famille constituait des réserves de denrées de base qui nécessitaient de nombreux récipients de stockage. Toute famille crétoise se devait donc de posséder au moins deux ou trois de ces monuments domestiques dans lesquels elle conservait, à l'abri des agressions du biotope, ses humbles trésors, depuis les olives en saumure jusqu'aux vêtements de cérémonie.
Le déclin de la vrai poterie traditionnelle
(photo Ph. Gouin)
Une seconde chance pour les pithoi, peut-être ?
Un mot encore ; le marché touristique a peut-être momentanément sauvé les pithoi. En effet, leur prix a beaucoup augmenté avec la demande des touristes et leur fabrication est redevenue rentable. Chez le potier, les grandes jarres valaient de 150 à 300 euros. Elles sont vendues jusqu'à trois fois plus cher par les " antiquaires " d'Athènes et dix fois plus à Paris ou Berlin.
Bibliographie
- Gouin Ph. et Vogt Ch., " Origine, apogée et déclin des potiers de Margaritès, Crète ". In I. Gavrilaki (éd.), Kerameika ergastiria stin Kriti apo tin arkhaiotita os simera. Rethymmno : Panepistimio Kritis, 1996.
- Gouin Ph. et Vogt Ch., "Les pithoi de Margaritès, Crète : données techniques et aperçu historique", Techniques & Culture 38, 2001, pp.121-146.